8 milliards de personnes sur Terre, ça en fait du monde. Du monde qui étudie, qui travaille, qui suis ses rêves et ses ambitions. Du monde qui a ses valeurs, ses croyances et ses motivations. 8 milliards de personnes sur Terre, 8 milliards de récits et aujourd’hui on te fait découvrir une nouvelle histoire avec Unique, notre série qui met en avant des profils inspirants aux parcours passionnants.
Après son bac, Ezzedine part en France où il se forme à la gestion hôtelière, puis à la caféologie. Cette curiosité du goût l’amène à la sommellerie, discipline où il excelle. Aujourd’hui, il est le directeur général de l’hôtel Dar El Jeld, et DGA de la société qui comprend Dar El Jeld, le restaurant tunisien, Dar El Jeld l’hôtel, Dar Dorra, la maison d’hôtes, et Dar Ben Turkia, le dernier joyau du groupe.
Quant à l’histoire de Dar El Jeld, elle commence avec ses grands-parents.
« C’est la première maison de mes grands-parents, ils se sont mariés ici. Après leur déménagement, mon père qui est hôtelier a eu l’idée d’en faire un restaurant. Pendant les travaux, l’idée a séduit toute la famille, et tout le monde s’est investi pour faire Dar El Jeld. Le restaurant a ouvert en 1989, ça fait maintenant 35 ans. »
Si aujourd’hui Dar El Jeld est devenu une adresse incontournable de Tunis, certains n’y croyaient pas.
« De nombreuses personnes ont douté de ce projet au début. Pour eux ce n’était pas logique d’aller au restaurant pour manger des plats que tu peux cuisiner à la maison. Mais c’était notre but d’offrir une cuisine typique, comme à la maison. Notamment pour les étrangers, en leur offrant une expérience complète. On vend du plaisir pour les yeux, pour le palais, pour les sens. »
Et pour s’assurer de proposer une expérience complète à ses convives, Dar El Jeld mise sur une tradition ancestrale.
« À l’époque, quand quelqu’un partait en voyage, on lui jetait de l’eau pour le faire revenir. Alors on fait exactement la même chose avec de l’eau de fleur d’oranger pour être sûr que vous allez revenir ! Personne ne doit quitter Dar El Jeld sans être sûr d’y revenir. »
Dès les premiers instants à Dar El Jeld, on est émerveillé par le cadre mais on a aussi ce sentiment de se sentir à la maison.
« Les choses se sont faites naturellement, on n’a jamais senti que c’étaient des clients, ce sont nos invités. Ils sont à la maison, à la maison familiale. Bon après… ils vont payer », plaisante Ezzedine.
Et dans l’assiette ? On mange quoi à Dar El Jeld ?
« On propose une cuisine typique. La dernière chose qu’on puisse me dire c’est qu’on fait quelque chose de revisité. On ne revisite pas. Notre objectif c’est de préserver notre patrimoine culinaire, avec ses bons et ses mauvais côtés. Ici, il est hors de question de me parler de régime diététique, ici on mange ! Et si vous ne finissez pas vos plats, on peut se fâcher. »
Mais quel est donc le secret de la cuisine de Dar El Jeld ?
« Nos plats sont préparés par des femmes, qui n’ont jamais fait de restauration. Elles cuisinent très bien chez elles et on a décidé de travailler avec elles. Notre cheffe, c’est une femme qui reçoit merveilleusement bien chez elle. Elle a fait l’ouverture de Dar El Jeld et c’est d’elle qu’elles ont appris à cuisiner. Elles ont aussi appris de ma grand-mère maternelle, pour rappel, ici c’est la maison familiale paternelle. »
Et cerise sur le gâteau, ici tout est fait maison !
« Le kadid, l’hrouss, les olives, la malsouka et même le pain… tout est fait maison ! »
Mais alors pourquoi ne pas sous-traiter tout simplement ?
« Parce qu’on aime cuisiner ! »
Niché dans la médina de Tunis, Dar El Jeld profite d’un emplacement stratégique proche de tous les ministères, le transformant ainsi en une adresse incontournable pour les invités de l’État.
« Même pour vous, si vous avez des amis qui viennent de l’étranger, vous avez envie de leur montrer plein de choses mais vous devez absolument passer par Dar El Jeld. Ça leur permet de découvrir la médina, nos traditions, nos coutumes, nos œuvres d’art, etc. Il y a de belles choses à découvrir et à faire découvrir à Dar El Jeld. »
Ezzedine décrit Dar El Jeld comme une maison assez simple, comparée aux autres de la médina.
« Ce qu’on a essayé de faire, c’est de préserver la maison telle qu’elle était. Son carrelage, son marbre, son fer forgé… puis on ya ajouté notre petite touche. »
Si demain Ezzedine devait partir à l’étranger et qu’il ne pouvait emmener qu’une seule chose de Dar El Jeld, ça serait le dernier tableau acheté : une toile colorée signée Mekki.
«Dar El Jeld c’est la fierté de la famille. Chaque personne qui avait quelque chose de beau chez elle l’a ramené ici. On s’est tous mariés ici, c’est vraiment la maison familiale.»
Une petite anecdote de mariage et voilà que notre journaliste s’imagine déjà dire « oui » dans ce cadre aussi authentique que chaleureux.
Né à la médina, Ezzedine y a toujours ses habitudes. Son café, son coiffeur… impossible pour lui d’envisager une vie loin de la Médina de Tunis. Malgré le rythme décalé imposé par son métier d’hôtelier, il a tout de même son petit secret pour s’évader.
« Quand les gens se reposent, je travaille. Et quand les gens travaillent, peut-être à ce moment-là je peux me reposer, mais moi je vais voler ! Mon petit plaisir c’est le parapente. Je prends ma voile, dès qu’il y a du vent et une montagne… je saute ! »
Ezzedine a d’ailleurs volé un peu partout en Tunisie.
« Korbous, Utique, Bizerte, Rafraf, Matmata, les dunes du désert… c’est le vent qui décide du lieu. »
Mais il a aussi eu l’occasion de voler à l’étranger, notamment à Annaba enAlgérie, ou encore au Liban et en Turquie.
Côté voyage, Ezzedine admire la France pour sa gastronomie.
« L’inspiration pour le travail, tu la trouves en Turquie, au Maroc, au Liban aussi, j’ai adoré Beyrouth. »
Qui dit voyage dit budget, et en Tunisie, les professionnels ont droit à l’AVA, l’allocation pour voyages d’affaires. En ce qui concerne les voyages à titre personnel, c’est l’allocation touristique qui dicte sa loi.
« En un seul voyage, ton allocation touristique peut se terminer. Surtout si c’est pour une destination lointaine, en Thaïlande par exemple… ce n’est pas évident du tout. Par exemple moi, là je ne peux plus voyager... J’aurais bien aimé faire un voyage de fin d’année avec les enfants à la période de Noël, mais ce n’est plus possible. »
Et ça ne s’arrête pas là.
« Même pour acheter quelque chose, c’est une vraie galère. La procédure est tellement compliquée que tu laisses tomber finalement. Même mon matériel pour le parapente, je vais peut-être faire appel à Slide un jour. »
En parlant d’argent, on a demandé à Ezzedine comment il définirait sa gestion financière en utilisant des termes de restauration.
« Une brasserie ! Je ne suis pas trop débrouillard…resto étoilé… honnêtement je n’ai pas vraiment les moyens. Donc brasserie ! J’aime bien cette ambiance, j’aime m’amuser, j’aime pas quand c’est trop strict. »
Avant de se quitter, on a demandé à Ezzedine : s’il pouvait dîner avec une personne, réelle ou fictive, de son entourage, de son passé ou n’importe, ça serait qui ?
« Ma grand-mère », lance-t-il après un moment de réflexion. « Je lui dirais qu’elle me manque, elle nous a quittés pendant la Covid, qu’elle repose en paix. »
Note de Emna :
J’ai eu la chance de tester le restaurant Dar El Jeld à plusieurs reprises, avec des amis et en famille. À chaque fois, c’est la même impression : celle d’entrer dans une parenthèse enchantée. Le cadre est sublime, et la cuisine… un vrai bonheur. Pour quelqu’un qui vit à l’étranger, c’est un plaisir rare de retrouver nos recettes tunisiennes, dans leur version la plus authentique - sans revisite, sans filtre.
En discutant avec Ezzedine, il m’a semblé évident de mettre en lumière son parcours tout en plongeant dans l'histoire de ce lieu unique qui incarne si bien l’hospitalité tunisienne. Et entre nous, il m’a aussi fait découvrir le parapente… je vous raconterai ça une autre fois !
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